Le Mercado Central, lieu identitaire de la culture populaire du Costa Rica
Le Marché Central de San José, plus grand marché de la ville, a été construit sur tout un pâté de maisons en 1880 par le gouvernement Costaricien, au cœur de la capitale, bordé par l’avenue principale 1. De nombreux monuments faisant partie de l’architecture costaricienne sont situés dans la même zone tels que la Plaza de la Cultura, le Théâtre national ou encore le musée de l’Or.
C’est un vrai lieu de rencontres et de vie locale, d’odeurs, de saveurs et de personnages : ouvert de 6h30 à 18h30 tous les jours sauf le dimanche, le marché vit quotidiennement et particulièrement le samedi. Il a été déclaré comme patrimoine architectural et historique du Costa Rica en 1995 en raison de l’identité forte de ce labyrinthe coloré et fourmillant de passants.
Depuis plus de 100 ans, le marché Central est au centre de l’ensemble urbain de San José. Avant 1880, il prenait la forme d’un lieu d’échanges improvisé en plein air sur la place principale de la capitale, devant la cathédrale métropolitaine où commerçants et acheteurs se réunissaient deux fois par semaine. Ces moments étaient caractérisés par une véritable ébullition, marquée par le roulement constant d’innombrables charrettes sur les pavés inégaux de la rue, atmosphère très bien décrite par l’écrivain costaricien Manuel Gonzales dans son œuvre El Clis de Sol.
Avec la croissance de la population et la volonté d’un espace permanent pour le marché, la ville aménagea le grand bâtiment qu’est aujourd’hui le marché central, permettant d’être ouvert toute la semaine. Beaucoup plus pratique, il disposait d’entrepôts pour les marchandises et d’un parking pour les charrettes.
Le marché central est considéré comme l’un des établissements les plus anciens et importants du pays en raison de son histoire, des dynamiques commerciales et sociales qui l’animent depuis presque 150 ans, et du patrimoine culturel qu’il représente.
A l’origine, son architecture est d’influence néoclassique avec des murs en briques rouges. Mais suite aux tremblements de terre de 1888, le bâtiment a subi de sérieux dommages : tout le deuxième niveau a été démoli. Au fil du temps, plusieurs rénovations ont été opérées, notamment dans les années 1940.
Il abrite des histoires, des connaissances populaires, des couleurs et des personnages, symbole centenaire de San José et attirant des centaines de consommateurs. Il est le témoin des transformations sociales et économiques du pays.
Et pourtant, on a tenté de le démolir dans les années 1990. Cette décennie est marquée par une montée en flèche du tourisme au Costa Rica, période où le pays n’était pas aussi développé que maintenant. Cet afflux de touristes entraînant un véritable boum économique provoqua des volontés de restructuration de la part du gouvernement. La dynamique de modernisation de la ville prévoyait la démolition du Marché Central, donnant « une mauvaise image de San José », pour le remplacer par un centre commercial.
Heureusement, les Costariciens tiennent à leur marché, des voix se sont levées et le Marché Central de San José est toujours debout.
Il compte plus de 200 commerces et accueille de nombreux visiteurs qui s’y rendent quotidiennement à la recherche de fruits tropicaux, légumes, viandes, poissons, œufs, céréales et autres. On y achète tous les produits nécessaires à la cuisine des repas traditionnels : aliments comme le riz et haricots rouges indispensables à la cuisine costaricienne, ustensiles, textiles, herbes aromatiques, condiments. Mais aussi des étals d’artisanat, de vêtements, de vente d’animaux, de torréfaction de café, de plantes médicinales, de fleurs, d’articles en bois, en cuir, de cordonnerie… et bien d’autres choses encore.
Ce qui caractérise le marché central est de faire des trouvailles que l’on ne rencontre nulle part ailleurs. Entre des étals de sandales en cuir et de feuilles de banane plantain servant à empaqueter les tamales (nourriture typique à base de pâte de maïs, de riz et de viande), vous dénicherez des « nigüentas » : figure d’une jeune fille qui s’enlève des puces et que l’on retrouve dans toutes les maisons d’ici, porte bonheur par excellence au Costa Rica et dans d’autres pays d’Amérique Latine.
Il y a différentes portes d’entrées latérales ou d’angle permettant d’accéder à ce labyrinthe de couloirs étroits que constitue le marché. En son centre, vous y trouverez le « Sagrado Corazón de Jesús« , le Saint Patron du marché, symbole caractéristique du « village » des commerçants. On peut voir les passants toucher la vitrine pour recevoir sa bénédiction, expression de l’influence religieuse forte au Costa Rica.
Chaque année, au mois de juillet, se tient une messe réunissant des centaines de personne autour du Sagrado. C’est également l’occasion de raconter des anecdotes et de rendre hommage à des commerçants très impliqués dans la vie du marché, renforçant l’esprit du lieu. Par exemple, Alvaro Mora Jimenez, 68 ans, est propriétaire d’un commerce de glaces traditionnelles où 5 générations de sa famille y ont travaillé.
Déambuler et se perdre dans les allées exiguës du marché, profiter de ses couleurs et arômes est une expérience incontournable, comme pour les locaux que pour les étrangers. En sillonnant ses allées étroites, les sens s’éveillent de toutes parts : Sentir l’odeur des épices aux milles saveurs et des herbes médicinales qui pendent des boutiques. Entendre les vendeurs de loterie crieurs et les marchands de poissons qui se mélangent avec le bruit du grain qui tourne dans un ancien moulin à café. Voir la multitude de fruits et légumes de toutes les couleurs qui se mélangent avec les fresques ornant les murs. Toucher les textures des différents produits artisanaux (tasses, poteries, tenues traditionnelles…). Et enfin déguster un délicieux repas maison préparé dans les « sodas » traditionnels. Ces cantines font partie intégrantes de l’esprit du marché où l’on y déguste les plats nationaux comme le gallo pinto ou le casado.
C’est plus qu’un bâtiment emblématique car l’intérieur regorge de patrimoine immatériel : les herbes utilisées pour des remèdes de grand-mère, des aliments traditionnels parfois difficiles de trouver ailleurs (comme la glace traditionnelle « sorbetera »), de l’artisanat typique, mais aussi les souvenirs conservés par des personnages inoubliables travaillant là depuis 50 ans.
Tous ces aspects en font un lieu de vie unique, fascinant pour les nationaux comme étrangers, incarnant le bastion de la mémoire collective « tica ».
Rédigé par Yasmine Leclere